Mes coups de cœur


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10 juin 2014

Divergente T.3 - Veronica Roth (Extrait)

Extrait : Divergente T.3
Veronica Roth 
Éditions Nathan




Chapitre un
Tris

Ses paroles résonnes dans ma tête tandis que j'arpente ma cellule au siège des Érudits : « Je m'appelle désormais Edith Prior. Et il y a beaucoup de choses que je serai heureuse d'oublier. »
— Et tu es sûre que tu ne l'as jamais vue ? Même en photo ? me demande Christina.
Sa jambe blessée est posée sur un oreiller. Elle a reçu une balle lors du coup de force qui nous a permis de diffuser publiquement la vidéo d'Edith Prior. Nous n'avions pas la moindre idée de ce qu'elle contenait, ni qu'elle allait saper les fondations sur lesquelles reposaient nos vies, à savoir les factions, nos identités.
— C'est peut-être une de tes grands-mères ? Une tante ? Un truc comme ça ?
— Puisque je te dis que non, répliqué-je. Prior est — était — le nom de mon père ; elle serait forcément de sa famille. Mais à ma connaissance, c'était tous des Érudits. Et Edith est un prénom altruiste. Alors...
— Alors ça doit être plus ancien que ça, suggère Cara.
À cet instant, c'est fou ce qu'elle ressemble à son frère. Will, mon ami. Celui que j'ai tué. Puis elle se redresse et le fantôme de Will s'évanouit.
— Il faut sûrement remonter à plusieurs générations. Ce serait une de tes ancêtres, quoi.
« Ancêtre ». Me mot m'évoque quelque chose de décrépit, comme de la brique qui s'effrite. Je pose ma main sur le mur de la cellule. Il est froid.
Mon ancêtre... Et voilà l'héritage qu'elle m'a transmis : la liberté de vivre en dehors des factions. La découverte que mon identité de Divergente est plus importante que je n'aurais jamais pu l'imaginer. Le fait même que j'existe est un signal. Nous devons quitter cette ville et aller offrir notre aide à ceux qui vivent à l'extérieur.
— Je veux savoir, reprend Cara en passant la main sur le visage. J'ai besoin de savoir depuis combien de temps on est là ! Tu peux arrêter de tourner en rond une minute ?
Je m'immobilise au milieu de la cellule et je la regarde, un peu surprise par le ton de sa voix.
— Excuse-moi, marmonne-t-elle.
— C'est bon, intervient Christina. Je ne sais pas depuis quand on est enfermées ici, mais ça fait bien trop longtemps.
Il s'est écoulé plusieurs jours depuis qu'Evelyn a maîtrisé le chaos qui régnait dans le hall du siège des Érudits et fait enfermer tous les prisonniers dans des cellules au deuxième étage. Une sans-faction est venue soigner nos blessures et nous distribuer des antalgiques, et on s'est nourries et douchées plusieurs fois. Mais j'ai eu beau questionner nos gardiens, impossible de savoir ce qui se passe dehors.
— J'étais sure que Tobias viendrait me voir, dis-je en m'asseyant au bord de mon lit. Qu'est-ce qu'il fabrique ?
— Peut-être qu'il t'en veut encore de lui avoir menti et d'avoir coopéré avec son père, suggère Cara.
Je la foudroie du regard.
— Quatre n'est pas aussi mesquin, objecte Christina, soit pour la remettre à sa place, soit pour me rassurer. Il doit se passer un truc qui l'empêche de venir. Il t'a bien dit de lui faire confiance, non ?
Dans la confusion, alors que tout le monde criait et que les sans-faction essayaient de nous pousser vers les escaliers, je me suis agrippée à lui pour que nous ne soyons pas séparés. Il m'a simplement dit : « Fais-moi confiance. Fais ce qu'ils te disent. »
— J'essaie, assuré-je à Christina.
Et c'est vrai. Mais chaque nerf, chaque fibre de mon être réclame de sortir non seulement de cette cellule, mais de la prison que représente la ville qui l'entoure.
J'ai besoin de savoir ce qu'il y a de l'autre côté de la Clôture.


Chapitre deux
Tobias

Je ne peux pas traverser ces couloirs sans repenser aux jours que j'ai passés prisonnier ici, pieds nus, assailli par la douleur au moindre mouvement. Et ce souvenir est indissociablement lié à l'attente du moment où Béatrice Prior devrait mourir, à mes coups de poing désespérés contre la porte, à l'image de Tris inerte dans les bras de Peter, avant qu'il ne dise qu'elle était simplement droguée.
Je hais cet endroit.
Il n'est plus si impressionnant depuis la bataille ; il y a des impacts de balles dans les murs et des débris de verre un peu partout. Le sol est crasseux et l'éclairage vacillant. On me laisse entrer dans la cellule sans me poser de questions, parce que je porte le brassard noir marqué d'un cercle blanc des sans-faction, mais aussi parce que les traits d'Evelyn se retrouvent sur mon visage. Le nom de Tobias Eaton, jusqu'ici entaché par la honte, est désormais doté d'un grand pouvoir.
Tris, épaule contre épaule avec Christina, est accroupie sur le sol de la cellule en face de Cara. Mais alros qu'elle devrait me paraître pâle et frêle — ce qu'elle est -, elle me semble occuper toute la place.
Ses yeux s'écarquillent à mon entrée et déjà elle se serre contre moi, les bras autour de ma taille, le visage contre ma poitrine.
Je presse son épaule en lui caressant les cheveux et, une fois de plus, je suis surpris quand mes mains rencontrent sa nuque. J'étais content quand elle s'est coupé les cheveux, parce que cette nouvelle coupe était celle d'une guerrière et que c'était précisément ce dont elle avait besoin.
— Comment as-tu réussi à entrer ? me demande-t-elle de sa voix douce et claire.
— Je suis Tobias Eaton.
Ça la fait rire.
— Pardon. J'oublie toujours.
Elle s'écarte de moi, jusque assez pour pouvoir me regarder. Il y a quelque chose d'incertain dans ses yeux, comme un tas de feuilles que le vent peut éparpiller d'un instant à l'autre.
— Qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi tu n'es pas venu plus tôt ?
Son ton est presque implorant. Quels que soient les souvenirs horrible que cet endroit m'évoque, il en est encore plus chargé pour elle : sa marche vers son exécution, la trahison de son frère, le sérum de simulation des Érudits. Il faut que je la sorte de là.
Cara lève les yeux, curieuse d'entendre ce que je vais répondre.
— Evelyn va imposer un couvre-feu. Personne ne pourra plus faire un pas sans sa bénédiction. Il y a quelques jours, elle a tenu un grand discours sur la nécessité de s'unir contre nos oppresseurs du dehors.
— Nos oppresseurs ? répète Christina, surprise.
Elle sort de sa poche un flacon dont elle avale le contenu. Sûrement un antidouleur.
— Ma mère — et elle est loin d'être la seule — estime que ce serait une erreur de sortir de la ville pour aller aider des gens qui nous y ont fourrés rien que pour pouvoir se servir de nous plus tard. Elle veut qu'on garde notre énergie pour remettre la ville en état et régler nos problèmes, au lieu de s'occuper de ceux des autres. Je la cite, bien sûr. Je crois surtout que ça l'arrange, parce que tant qu'on restera tous à l'intérieur de la Clôture, elle conservera le pouvoir. À la minute où on sortira, ce sera fini pour elle.
— Super, commente Tris, les yeux au ciel. C'est bien son genre, de faire le choix le plus égoïste.
— En même temps, elle n'a pas entièrement tort, intervient Christina en faisant rouler le flacon vide entre ses doigts. Je ne dis pas que je n'ai pas envie de sortir de la ville pour savoir ce qu'il y a dehors, mais on a du pain sur la planche, ici. Et comment voulez-vous aider des gens dont on ne sait rien ?
Tris réfléchit en se mordant la joue.
— Bonne question, avoue-t-elle.
Ma montre indique quinze heures. Je me suis déjà trop attardé — assez pour éveiller les soupçons d'Evelyn. Je lui ai raconté que j'allais voir Tris pour rompre et que je n'en aurais pas pour longtemps. Je ne suis pas certain qu'elle m'ait cru.
— Écoutez, dis-je. Je suis venu vous prévenir qu'ils vont commencer à juger les prisonniers. Ils vont vous injecter du sérum de vérité, et si vous parlez, vous serez condamnées pour trahison.
— Pour trahison ? gronde Tris. En quoi le fait d'avoir montré la vidéo d'Edith est un acte de trahison ?
— Cé'tait un acte de désobéissance vis-à-vis de nos leaders. Evelyn et ses partisans ne veulent pas quitter la ville. Il ne risquent pas de vous remercier d'avoir montré cette vidéo.
— Il ne valent pas mieux que Jeanine ! s'indigne Tris en donnant un coup de poing dans le vide. Prêts à tout pour étouffer la vérité ! Et tout ça pour quoi ? Pour être les rois de leur petit monde minable ! Quelle absurdité !
Je ne le dirais jamais tout haut, mais dans un sens, je suis d'accord avec ma mère. Divergent ou non, je ne dois rien à ceux du dehors. Je ne suis pas sûr de vouloir leur faire don de ma personne pour résoudre les problèmes de l'humanité, quoi qu'on entende par là.
En revanche, tout mon être exige de partir, furieusement, rageusement, avec le même sentiment de nécessité qu'un animal pris au piège et prêt à se ronger la patte pour se libérer.
— Quoi qu'il en soit, déclaré-je prudemment, si le sérum de vérité marche sur vous, vous serez condamnées.
— Comment ça, si le sérum marche sur nous ? relève Cara.
— Divergente, lui rappelle Tris en se tapotant la tête.
— Ah, d'accord. C'est vrai que tu es plutôt atypique, observe Cara en remettant en place une mèche de cheveux. E règle générale, les Divergents ne sont pas plus immunisés que les autres contre le sérum de vérité. Je me demande ce qui te rend différente...
— Tu n'es pas la seule, réplique sèchement Tris. Tous les Érudits qui m'ont planté une aiguille dans le cou se sont posé la question.
— On peut se concentrer sur le problème actuel ? les coupé-je. Je préférerais ne pas être obligé de vous faire évader.
Je tends la main vers Tris en quête de réconfort et elle me presse les doigts. Là d'où l'on vient tous les deux, on ne se touche pas à la légère. Du coup, chaque contact entre nous prend de l'importance et se charge d'énergie et d'apaisement.
— OK, on arrête, me dit-elle, radoucie. C'est quoi, ton idée ?
— Je vais essayer de convaincre Evelyn de te faire passer en premier. Tu n'auras plus qu'à trouver un bon mensonge à lui raconter quand on t'aura injecté le sérum. Quelque chose qui blanchira Christina et Cara.
— Quel genre de mensonge ?
— Je pensais te laisser te débrouiller avec ça. Tu mens beaucoup mieux que moi.
À l'instant où je le dis, je me rends compte que je viens de toucher un point sensible. Elle m'a menti tant de fois ! Quand Jeannine a exigé le sacrifice d'un Divergent, elle m'a promis de ne pas mettre sa vie en danger en se livrant. Pendant l'attaque des Érudits, elle m'a assuré qu'elle se tiendrait à l'écart, et je l'ai retrouvée là-bas avec mon père. Je comprends pourquoi elle a fait tout cela, mais ça n'empêche qu'elle a trahi ma confiance.
Elle regarde ses chaussures.
— Ouais. OK. Je trouverai un truc.
— Je vais tâcher de persuader Evelyn de hâter la procédure.
— Merci.
J'éprouve une violente envie, désormais familière, de m'arracher à mon enveloppe corporelle pour parler directement à son esprit. Et je me rends compte que c'est ce même élan qui me donne envie de l'embrasser dès que je la vois, parce que le plus petit espace entre nous me rend fou. Nos mains s'étreignent. Sa paume est moite de sueur, la mienne rugueuse à force de m'agripper à des trains en marche. Ses yeux me font penser à de vastes ciels, comme je n'en ai jamais vu en dehors de mes rêves.
— Si vous comptez vous embrasser, merci de prévenir, que j'aie le temps de regarder ailleurs, nous lance Christina.
— Considère-toi comme prévenue, lui répond Tris.
Et on s'embrasse.
Une main sur sa joue pour prolonger notre baiser, je garde ma bouche sur la sienne pour sentir chaque point de contact entre nos lèvres quand elles se séparent et se retrouvent. Je savoure l'air que nous partageons la seconde d'après et la caresse de son nez qui glisse le long du mien. Je ravale les mots qui me brûlent les lèvres, parce qu'ils sont trop intimes. Mais à la réflexion, ça m'est égal.
— C'est dommage qu'on ne puisse pas être un peu seuls, dis-je en sortant de la cellule à reculons.
— Je me dis ça tout le temps, répond-elle en souriant.
Et je referme la porte sur l'image de Christina en train de faire semblant de vomir, de Cara qui rit, et de Tris laissant retomber ses bras le long de son corps.
[...]


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